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Périple de l'éléphant roux

Article de Philippe Chiaverini : Pour une autre lecture de la dette

22 Mai 2015, 16:11pm

Publié par Damien CHIAVERINI

Sous l’Antiquité la notion d’endettement d’un Etat est inconnue car inacceptable. Très vite cependant, les sociétés médiévales y ont recours et le XIVème siècle voit la naissance d’un capitalisme financier qui fait de l’endettement public une pratique courante. Or, dès qu’il y a eu crédit, il y a eu banques. Les banquiers FUGGER prêtent à l’empereur Charles Quint et conduisent les HABSBOURG d’Espagne à vivre au-dessus de leurs moyens. On connaît les conséquences fâcheuses de cette situation pour l’Espagne : c’est ainsi, par exemple, qu’elle ne put assurer l’armement de son « Invincible armada » vaincue par la Grande Bretagne à la fin du XVIème siècle et qu’elle connut, par la suite, la banqueroute. Les BOURBON feront les mêmes erreurs et creuseront des déficits abyssaux. En 1788, l’endettement monarchique peut être évalué à 80 % du PIB ; dû, en partie, au financement de la guerre d’indépendance des insurgents et, c’est sans doute, la cause essentielle de la révolution française.

En effet, au moment de la révolution française la dette était de l’ordre de 4 milliards de livres, les recettes de 500 millions et les dépenses de 630 millions.

Au XVIIIème et XIXème siècles les choses empirent. Pour Alfred SAUVY, la dette publique était à 100 % du PIB en 1929. Aujourd’hui, en France, avec plus de 2000 milliards d’euros de dettes, nous tutoyons les 98 % du PIB. Peut-on et doit-on chercher à rembourser une telle somme ? On sait qu’en 1797 le Directoire décida la « Banqueroute des deux tiers », c’est-à-dire qu’il ne paya la rente que sur un tiers de la dette, le reste étant effacé. Par la suite, les dévaluations et l’inflation conduisirent au même résultat : l’effacement partiel. Actuellement, la majeure partie des dettes occidentales et, tel est le cas de la France, est détenue par des fonds souverains étrangers. Dès lors, l’endettement provoque une perte d’autonomie dans la conduite de la politique extérieure et l’on peut craindre que des personnes privées (physiques ou morales) se substituent même à l’Etat pour la conduite des affaires publiques portant ainsi une atteinte fatale au primat du politique.

Pourtant, dans leur aveuglement comme dans le souci d’apurer, quoiqu’il en coûte, nos comptes publics, les classes dirigeantes à l’unisson, partis de gouvernement et d’opposition n’ont qu’un slogan : remboursons la dette ! Quel qu’en soit le prix politique et social ! Certes, d’aucuns diront qu’il y a toujours eu crédit, qu’il y a toujours eu banques. Mais les banques ont changé de nature : Elles ne se contentent plus de prêter de l’argent, elles battent monnaie en prêtant des sommes qu’elles ne possèdent pas. Partant, elles usurpent la fonction étatique en manipulant des fonds inexistants. Elles sont entre les mains d’usuriers modernes qui ne peuvent plus s’arrêter, contraints par un système de bicyclette en mouvement.

Le monde bancaire est tout simplement immoral. Ce n’est pas pour rien que l’Eglise du Moyen âge condamnait le prêt à intérêt.

Si la France retrouve des dirigeants dignes de ce nom, ils ne pourront que refuser de rembourser les « lombards » et examiner, au cas par cas, la situation des petits porteurs. Ils pourraient, allant plus loin, être à l’origine, d’une fronde des peuples contre la dictature des usuriers.

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J
L'article sur la dette est très intéressant. On pourrait développer<br /> en montrant que les libéraux sont devenus fous. Ce sont des anarchistes<br /> ou suivant les réflexions de Spengler et Carl Schmitt des bédouins ou des vikings,<br /> des prédateurs nomades. Seul un état organique comme Sparte, Rome ou la Prusse<br /> peut combattre cette tendance.
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D
Il n'est pas besoin de ces exemples étrangers. Le Royaume de France, structurellement endetté au cours de sa longue Histoire et tributaire d'une efficacité fiscale aléatoire, utilisa quelques recettes récurrentes pour tenter de faire principalement supporter le coût de ses déficits à ses créanciers et protéger, au mieux, les intérêts économiques de sa population. Pour ce faire et même si l'imposition directe des contribuables tendit à devenir pérenne, il eut recours à des techniques qui reposaient sur une philosophie faisant privilégier le Royaume aux intérêts particuliers comme, plus évident encore, extérieurs, conception qui peut paraître ahurissante aux tenants de la mondialisation financière.<br /> <br /> Outre une politique de dévaluation, qui mécontentait ses peuples en raison de l'enchérissement des biens de consommation courante mais permettait d'alléger une dette dont le montant avait été contracté en temps de monnaie forte, le Roi usa de taxations spécifiques envers les communautés d'usuriers. <br /> Ainsi, quand il accéda au trône en 1285, Philippe IV le Bel, d'auguste mémoire, contraignit les Lombards à lui verser un "don de joyeux avènement". Cette disposition fut reprise par plusieurs Souverains, jusqu'à Louis XV qui l'édicta de nouveau en 1725.<br /> Le même Grand Capétien, reprenant une tradition initiée sous Childebert et déjà mise en œuvre par son bisaïeul Philippe II Auguste, expulsa les juifs en 1306, en mettant leurs biens et créances sous séquestre. Et la levée de l'ordonnance d'expulsion en 1315 par Louis X le Hutin l'assortit d'une simple durée de 12 ans, du paiement d'un droit d'entrée de 220 000 livres et d'un impôt annuel de 10 000 livres.<br /> <br /> Parallèlement, la politique douanière, que Colbert simplifiera, visa à préserver les capacités productives du pays et donc à renforcer l'enrichissement des sujets du Roi qui y concourraient, au mépris affirmé des intérêts étrangers. Une restriction de l'inflation due à la spéculation fut assurée, en limitant drastiquement les exportations des matières premières utiles à la production et la consommation du Royaume, mesure qui se manifesta, sous Charles IV, par le paiement d'un droit de rêve de 4 deniers pour livre par l'acheteur étranger. De façon complémentaire, des taxes d'importation furent mises en œuvre, dès les XIVe siècle, et Louis XI ne se priva pas d'en frapper les négociants qui participaient aux foires de Languedoc et de Lyon. <br /> <br /> Enfin, les guerres victorieuses contribuèrent du mieux possible à abonder le Trésor et permirent parfois de substituer le tribut perçu aux charges requises des contribuables. Ainsi, le Traité d'Athis sur Orge qui, en 1305, obligea les Flamands à verser une indemnité de guerre de 400 000 livres, permit de relâcher la pression fiscale qui finançait jusque là le conflit.