Article de Philippe Chiaverini : Pour une autre lecture de la dette
Sous l’Antiquité la notion d’endettement d’un Etat est inconnue car inacceptable. Très vite cependant, les sociétés médiévales y ont recours et le XIVème siècle voit la naissance d’un capitalisme financier qui fait de l’endettement public une pratique courante. Or, dès qu’il y a eu crédit, il y a eu banques. Les banquiers FUGGER prêtent à l’empereur Charles Quint et conduisent les HABSBOURG d’Espagne à vivre au-dessus de leurs moyens. On connaît les conséquences fâcheuses de cette situation pour l’Espagne : c’est ainsi, par exemple, qu’elle ne put assurer l’armement de son « Invincible armada » vaincue par la Grande Bretagne à la fin du XVIème siècle et qu’elle connut, par la suite, la banqueroute. Les BOURBON feront les mêmes erreurs et creuseront des déficits abyssaux. En 1788, l’endettement monarchique peut être évalué à 80 % du PIB ; dû, en partie, au financement de la guerre d’indépendance des insurgents et, c’est sans doute, la cause essentielle de la révolution française.
En effet, au moment de la révolution française la dette était de l’ordre de 4 milliards de livres, les recettes de 500 millions et les dépenses de 630 millions.
Au XVIIIème et XIXème siècles les choses empirent. Pour Alfred SAUVY, la dette publique était à 100 % du PIB en 1929. Aujourd’hui, en France, avec plus de 2000 milliards d’euros de dettes, nous tutoyons les 98 % du PIB. Peut-on et doit-on chercher à rembourser une telle somme ? On sait qu’en 1797 le Directoire décida la « Banqueroute des deux tiers », c’est-à-dire qu’il ne paya la rente que sur un tiers de la dette, le reste étant effacé. Par la suite, les dévaluations et l’inflation conduisirent au même résultat : l’effacement partiel. Actuellement, la majeure partie des dettes occidentales et, tel est le cas de la France, est détenue par des fonds souverains étrangers. Dès lors, l’endettement provoque une perte d’autonomie dans la conduite de la politique extérieure et l’on peut craindre que des personnes privées (physiques ou morales) se substituent même à l’Etat pour la conduite des affaires publiques portant ainsi une atteinte fatale au primat du politique.
Pourtant, dans leur aveuglement comme dans le souci d’apurer, quoiqu’il en coûte, nos comptes publics, les classes dirigeantes à l’unisson, partis de gouvernement et d’opposition n’ont qu’un slogan : remboursons la dette ! Quel qu’en soit le prix politique et social ! Certes, d’aucuns diront qu’il y a toujours eu crédit, qu’il y a toujours eu banques. Mais les banques ont changé de nature : Elles ne se contentent plus de prêter de l’argent, elles battent monnaie en prêtant des sommes qu’elles ne possèdent pas. Partant, elles usurpent la fonction étatique en manipulant des fonds inexistants. Elles sont entre les mains d’usuriers modernes qui ne peuvent plus s’arrêter, contraints par un système de bicyclette en mouvement.
Le monde bancaire est tout simplement immoral. Ce n’est pas pour rien que l’Eglise du Moyen âge condamnait le prêt à intérêt.
Si la France retrouve des dirigeants dignes de ce nom, ils ne pourront que refuser de rembourser les « lombards » et examiner, au cas par cas, la situation des petits porteurs. Ils pourraient, allant plus loin, être à l’origine, d’une fronde des peuples contre la dictature des usuriers.