Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Périple de l'éléphant roux

Là-haut un roi au-dessus des nuages

17 Juin 2014, 20:27pm

Publié par Damien CHIAVERINI

Là-haut un roi au-dessus des nuages

Là-haut un roi au-dessus des nuages constitue l'ultime film de Pierre Schoendoerffer qui, sous la forme d'une enquête, fait une nouvelle fois revivre la sombre beauté tragique de la fin de l'Indochine française. Véritable testament du cinéaste, il reprend les thèmes qui ont émaillé sa riche œuvre, réunissant pour ce faire plusieurs de ses acteurs fétiches auxquels il donne une profondeur historique par l'insertion d'images tirées de ses premiers films, permettant ainsi de plonger dans la jeunesse des personnages incarnés par l'inoubliable Bruno Cremer et par Jacques Perrin. Ces retours dans le passé, rendus particulièrement prégnants par la constatation des marques laissées depuis lors sur le visage des protagonistes par le temps, renforcent la nostalgie ressentie pour un monde qui n'est plus.

En 1977, une journaliste au Figaro, dont la fausse ingénuité est rendue par Florence Darel, cherche à éclaircir les conditions de la disparition, dans les montagnes de Thaïlande, du réalisateur Henri Lanvern (Jacques Perrin). Mise sur la piste par un disert confrère, dont la raffinée loufoquerie est merveilleusement interprétée par Claude Rich, et savamment aiguillonnée par un colonel des services de renseignement (Bruno Cremer), elle ne tarde pas à découvrir que Lanvern a été enlevé au moment où il s'apprêtait à rencontrer Cao Ba Ky, ex-général sud-vietnamien et ancien camarade du temps de la guerre d'Indochine, qui était récemment parvenu à s'évader d'un camp de rééducation communiste. Cherchant à pénétrer les causes profondes de cette histoire obscure, elle tente de remonter le film d'évènements vieux d'un quart de siècle, à l'époque où Français et Asiatiques combattaient le Viet-Minh. Forçant les souvenirs distillés au compte-goutte par les autres acteurs de ce passé parmi lesquels le colonel figure au premier rang et interprétant les confidences arrachées comme les non-dits d'un milieu militaire qui cultive tant l'honneur que la pudeur, elle découvre que les fidélités du passé continuent d'emporter des conséquences pour ces hommes hors du commun.

Délicatement amenée touche après touche, la mosaïque restituée par Schoendoerffer dessine la fraternité d'armes qui lie, à travers les vicissitudes, ceux qui ont combattu pour le même idéal. Dévoués comme ambigus, ils ne sauraient renoncer les uns aux autres et mettent à leur service commun les moyens que leur forme d'âme ouvre à chacun. Aspirés par le Temps qui les menace d'oubli et d'incompréhension de la part des générations suivantes, ils témoignent fidèlement des vieilles valeurs guerrières, quitte à se perdre pour les faire vivre. Ce dépassement de soi, dans la fragilité comme dans la force, conte la plus belle des histoires humaines.

Commenter cet article