Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Périple de l'éléphant roux

Le Parc Galea, invitation corse au rêve.

13 Juin 2017, 10:03am

Publié par Damien CHIAVERINI

Le Parc Galea, invitation corse au rêve.

Il est, au sud de Bastia, un endroit inattendu, presque insolite, qui ferait comme douter de se trouver quelque part sur cette côte orientale d’habitude si longiligne et monotone, mais plutôt d’avoir été transporté sur l’Ile fantastique. Bien sûr, guides et sites officiels doivent, probablement, prévenir d’abondance de l’existence de ce lieu et détailler avec force ses caractéristiques géographiques voire géométriques. Mais leur lecture est réservée à de studieux touristes qui, préparant avec scrupule leur séjour, s’y rendent principalement pour trouver confirmation de leur savoir et pouvoir ainsi valider leurs fiches qu’ils épingleront sur un planisphère virtuel. Toute autre est la logique de l’enthousiasme ingénu qui, posé sur un sol à lui pourtant ancien, se fie davantage à l’écoute des rumeurs et à l’inspiration du moment.

Aussi, le panonceau qui, sur la route de Taglio-Isolaccio, porte une inscription à la sonorité évocatrice du vieux vaisseau de la marine génoise, ne peut-il qu’inciter à une halte qui satisfasse autant la curiosité badine que la plus élémentaire prudence devant ce qui pourrait s’interpréter comme un signe adressé par une divinité tutélaire des eaux, qu’il est toujours préférable de ne pas offenser, surtout en milieu insulaire.

Cheminant vers l’entrée, nul marin n’est pourtant en vue ni davantage, fort heureusement, les ambigus Monsieur Roarke ou Tattoo. On y est, tout au contraire, accueilli de façon particulièrement chaleureuse par une personne joviale, qui rassemble en elle de très appréciables qualités d’enjouement et de gentillesse, transcendant presque la traditionnelle retenue corse jusqu’à distiller comme une riante ambiance océanienne, auspice des plus favorables pour commencer une promenade.

Et de promenade, celle-ci se pare des qualificatifs les plus alléchants car à la fois bucolique voire naturaliste, historique et très esthétique, en tout cas sensorielle, elle offre à chaque organe de la perception son lot de jouissances. Yeux, nez, oreilles et mains s’éblouissent de visions, de fragrances, de sonorités et même de rugosités qui se présentent à eux. Et, sentier zigzagant, se découvre ainsi la palette des richesses d’une île de beauté qui recèle d’innombrables subtilités.

Orné d’une végétation qui oscille entre les arbustes méditerranéens et les cactus des contrées désertiques, le parc exhale les diverses essences du maquis et réunit un jardin de simples qui, de la menthe poivrée à la sauge, flatte et avive les narines et fait chacun se muer en un frère Cadfael penchant vers le zen. Des plantes musicales parviennent, pour qui sait les caresser, à créer un saisissant contact, étrange et mystérieux langage gammique. Constellé de plusieurs bâtiments qui savent épouser les plis du terrain, il protège des collections qui retracent l’Histoire aussi bien géologique qu’humaine de la région.

Ainsi, après avoir médité sur l’immémoriale dérive de l’ensemble corso-sarde détaché du continent européen, nos doigts fureteurs viennent s’assurer de sa stabilité rocheuse, en caressant le doux lissé de la diorite orbiculaire de Sainte-Lucie-de-Tallano comme le granulé émietté du redoutable amiante, extrait des anciennes mines de Canari. Notre ouïe, quant à elle, se régale du délicat chatouillement engendré par les enregistrements des sonorités cristallines tirées de cette si jolie petite flûte qu’est la pirulla ou celles, presque obsédantes, de la gimbarde-riberbula. Nos pupilles ne sont pas en reste, qui scrutent l’exposé des antiques disputes méditerranéennes entre Phocéens, Etrusques et Puniques, qui aboutirent à la bataille navale d’Alalia, et qui prennent occasion de recevoir, par ce biais, un cours sur l’évolution des formes et matériaux des ancres marines de cette haute époque, merveilleuse leçon de choses.

L’inattendu reste cependant à déceler car qui irait imaginer que ce petit coin de Casinca se muerait en un véritable cabinet de curiosités, comme les aimaient nos pères, en nous faisant pénétrer dans l’insondable imaginaire de cet authentique explorateur contemporain qu’est Stefano Faravelli ? C’est pourtant en poussant l’une des portes qui jalonnent le parcours que se dévoile un faisceau de croquis et de notes qui révèle l’envoutante magie du lointain, de l’âpre beauté des montagnes de Chine au foisonnement de la forêt malgache, de la lumière du Mali à la majesté égyptienne. Incitation à poursuivre inlassablement le voyage onirique qui sait réenchanter le monde.

Commenter cet article